IA et photographie
Clap de fin pour les photographes ?
On parle beaucoup de l’intelligence artificielle dans le monde de la photographie ces derniers temps. Mais, est-ce que l’IA peut vraiment se comparer à l’œil humain d’un photographe ?
D’un côté il y a le photographe.
Celui-ci, en prenant une photo, veut raconter une histoire. Saisir une émotion. Un instantané.
De ce fait, chaque image porte les marques de décisions conscientes (cadrage, angle, focale, vitesse, profondeur de champ), de mise en scène, de composition, d’ajustements de lumière etc.
La beauté du cliché réside souvent dans son originalité, dans l’imprévisibilité du moment, dans l’erreur parfois, et dans ce que chaque photo reflète de la personnalité et de la vision du photographe.
En résumé, chaque cliché est une composition pensée, entre technique et intuition.
De l’autre côté, on a l’IA et la photographie. Celle-ci peut aujourd’hui créer des images rapidement et plus ou moins efficacement.
Celles-ci peuvent paraitre parfaites à première vue.
A y regarder de plus près, ces images ne sont pourtant que des assemblages d’éléments existants. Pire, pour se nourrir, l’IA pioche dans d’innombrables œuvres existantes (souvent sans créditer ni rémunérer les artistes dont elle s’inspire).
Là où un artiste développe un style unique au fil des années, l’IA recombine des influences, frôlant souvent le plagiat sans respecter la paternité des œuvres originales.
Et bien sûr, l’IA ne capte ni l’émotion brute d’un regard ni la spontanéité d’un instant volé.
La liste est longue, mais un photographe donnera toujours une âme à ses images, racontera une histoire personnelle et unique, là où l’IA ne fait qu’assembler des fragments de données existantes sans comprendre ce qu’elle crée.
Réfléchissez un instant à la dernière photo que vous avez prise. Qu’avez-vous voulu immortaliser ?
Sûrement quelque chose d’unique…Vos enfants ? Une agréable soirée entre amis ?
Et maintenant pensez un instant aux nombreuses personnes qui interagissent sur les réseaux sociaux avec des personnages fictifs créés par l’IA, persuadées d’échanger avec de véritables individus.
Je trouve cela tellement alarmant…l’IA brouille la frontière entre réalité et illusion et rend certains incapables de distinguer le vrai du faux (nous n’avons pas été formé à cela).
l’IA affaiblit ainsi leur esprit critique et ils en deviennent plus manipulables.
Une bulle artificielle où l’intelligence et le bon sens s’érodent, au profit d’une consommation passive de l’irréel. À force de liker et de converser avec du vide, ils finissent par en devenir eux-mêmes. Brrrrrrr.
Alors quelle photo préférez-vous ? Vôtre photo ? Originale et unique, source de plaisir et de souvenirs.
Ou celle de Facebook, qui trompe et manipule les gens ?
Pour moi, avec cela la messe est dite. En tout cas pour aujourd’hui.
Suis-je réfractaire à l’IA ? Bien sûr que non. Elle fait partie de l’évolution de mon métier (comme dans tant d’autres métiers) et est surement la prochaine révolution numérique et industrielle.
Je l’utilise aujourd’hui comme un outil qui me permet d’aller plus vite et de gagner en productivité.
Bien utilisée, elle permet d’accélérer des tâches répétitives ou de supprimer des éléments gênants très rapidement. l’IA est aussi un outil puissant pour la réduction de bruit ou dans dans l’upscaling de fichiers (agrandissement de l’image ou création de matière). Tout cela laisse plus de temps pour la réalisation et la créativité. Tout est une question d’intention et d’équilibre.
N’oublions pas non plus que l’IA peut aider les personnes en situation de handicap à mieux interagir avec la photographie (description automatique, retouche vocale etc.).
Bref, le problème n’est pas l’IA en soi, mais son usage. Elle doit rester un outil au service de la vision du photographe. L’important selon moi étant de garder l’humain et l’émotion au coeur de l’image.
Pour le domaine qui nous intéresse ici (la photographie et l’art en général), il convient de veiller sérieusement à ce que l’IA ne mette pas en péril l’originalité et l’intégrité artistique, créant un monde où la copie supplante la véritable création. Par moment, j’ai l’impression qu’il est déjà trop tard pour cela.
Au risque d’avoir un monde encore plus lisse, plus pauvre et plus dépendant.
En complément (MAJ 12 février 2025)
Ce mardi 11 février à l’occasion de la cérémonie de clôture du sommet de l’IA, les Etats-Unis ont profité pour faire savoir que le gouvernement Trump n’acceptera pas les règlementations de l’Union européenne sur l’IA. Il faut voir l’IA avec optimisme et non avec inquiétude prônent-ils.
Dans tous les cas, ils n’ont pas signé la déclaration finale du sommet qui appelle à « une IA transparente et inclusive », à protéger « les droits de l’homme, l’égalité des sexes, la diversité linguistique, la protection des consommateurs et des droits de propriété intellectuelle », ainsi qu’à « promouvoir l’accessibilité de l’IA pour réduire les fractures numériques ».
Un texte surement (plus que) difficile à appliquer, mais qui a le mérite d’exister…
Qui suis-je ?
Je suis photographe indépendant spécialisé dans la photographie commerciale sur Mulhouse (68) dans le Haut-Rhin (Alsace). Mon coeur de métier est la photo pour l’entreprise (reportage, studio, publicité, évènementiel, portraits Corporate). En parallèle, je suis vidéaste et touche-à-tout du digital.