IA, droits d’auteur et photographie corporate : ce que les entreprises doivent savoir
Photographe professionnel à Colmar, Mulhouse et Strasbourg, je suis régulièrement sollicité par des agences de communication ou des entreprises qui souhaitent exploiter des images que j’ai réalisées pour leurs besoins. Jusqu’ici, rien d’anormal : c’est le principe même d’une commande photo. Et j’ai cédé des droits pour cela.
Mais depuis quelques mois, je vois une nouvelle tendance qui émerge : la création de variantes visuelles par IA à partir de photos existantes.
Cette pratique soulève une vraie question juridique et stratégique : l’entreprise (l’agence de communication…) a-t-elle le droit de modifier une photo par IA ? Et dans quelles conditions ? Comment sont gérés les droits d’auteur ?
Une photo = une œuvre protégée par le droit d’auteur
En droit français (Code de la propriété intellectuelle – art. L111-1 et suivants), toute photo est protégée dès sa création, sans formalité. Le photographe en est automatiquement l’auteur, sauf exception très spécifique (notamment en cas de salarié dans le cadre d’une mission précise).
Cela signifie que même si vous avez commandé et payé une séance photo, vous ne devenez pas propriétaire des images. Vous obtenez (uniquement) les droits d’usage qui ont été expressément cédés par le photographe, et dans les limites prévues au contrat ou à la facture (durée, support, etc.). Pour mieux comprendre, j’utilise toujours l’exemple d’un logiciel (Windows, Photoshop, Suite Office…) . Vous avez le droit de l’utiliser, mais en aucun cas de le revendre, et encore moins de le transformer. Et vous n’en devenez jamais propriétaire.
Peut-on réaliser une variante de ma photo ?
Si une agence utilise une photo pour créer des variantes (retouches, montage, etc.), elle crée une œuvre dérivée. Et pour cela, elle doit obtenir l’autorisation préalable, sauf mention dans un contrat ou une cession de droits préalablement signée.
Même une « variante » peut porter atteinte au droit moral, si la transformation dénature l’image.
Si pas d’accord préalable et explicite, l’agence ou l’entreprise sont en infraction : contrefaçon de droit d’auteur + atteinte au droit moral 🙁
L’utilisation d’une photo pour créer des visuels IA est une œuvre dérivée
Modifier une photo avec des outils comme Midjourney, DALL·E, Runway ou Adobe Firefly n’est pas un usage neutre. Cela revient à créer une œuvre dérivée. Ce type de modification nécessite une autorisation spécifique de l’auteur, même si l’entreprise ou l’agence disposent déjà des droits de diffusion pour la photo d’origine.
Cette position est confirmée par plusieurs juristes spécialisés, notamment dans les publications de l’Institut de Recherche en Propriété Intellectuelle (IRPI) et de l’Union des Photographes Professionnels (UPP). Une IA générative ne neutralise pas le droit d’auteur ; elle le prolonge. C’est le cas même si la nouvelle image paraît très différente de la photo initiale.
Ce que dit la loi (et ce qu’elle ne dit pas encore)
À ce jour, le droit français ne prévoit pas encore de régime spécifique pour les images générées par IA. Mais les principes généraux restent applicables :
Le droit moral du photographe reste inaliénable. Il peut s’opposer à toute modification qui dénature son œuvre.
Le droit patrimonial doit être cédé de manière explicite, détaillée et limitée dans l’usage (article L131-3 du CPI). Les cessions floues ou générales sont juridiquement fragiles.
Le fait de « transformer » une photo en y injectant des éléments IA (arrière-plan, décor, modification de l’expression, etc.) nécessite un accord écrit, notamment pour respecter le droit à l’intégrité de l’œuvre, comprenant en plus les usages autorisés.
Ce que j’en pense ?
La question de l’authenticité : ma photo est le fruit de mon expérience, mon savoir-faire, ma lumière, ma mise en scène etc. Une image IA sera un (mauvais) clone, qui pourrait me décrédibiliser, porter atteinte à mon identité, à travers une image ou mon style pourrait être dilué et rendu générique.
Concrètement, que faire si vous souhaitez créer des visuels IA à partir de mes photos ?
Ce n’est pas compliqué. Nous trouverons ensemble des solutions : cession de droits d’auteur spécifique permettant la création de variantes par IA, mais dans un cadre strictement défini :
uniquement pour un projet donné,
pour une durée précise (ex : 12 mois),
sur des supports clairement identifiés (web, réseaux sociaux, presse interne),
en excluant toute réutilisation commerciale, redistribution ou génération illimitée.
- je garde un droit de regard et de validation sur les images générées.
Cette clause peut être intégrée dans le devis ou dans la facture. Elle permet à l’entreprise d’anticiper ses besoins de communication tout en respectant la législation. Cela évite des situations de flou juridique.
Pourquoi c’est stratégique pour une entreprise ?
Les outils d’intelligence artificielle permettent aujourd’hui de démultiplier les contenus visuels à moindre coût. Mais attention : si vous partez d’une photo qui ne vous appartient pas totalement en droit, vous risquez :
une atteinte au droit d’auteur, passible de sanctions civiles (voire pénales),
une mauvaise image auprès du photographe et du public,
des problèmes de cohérence visuelle si la qualité des images IA dérive trop de l’image initiale.
Travailler ensemble avec un photographe professionnel local, c’est aussi avoir un interlocuteur capable de vous conseiller sur les usages, de vous accompagner dans votre stratégie visuelle, et de vous éviter des erreurs coûteuses.
Conclusion : IA, oui, mais dans le cadre
L’intelligence artificielle n’exonère pas du droit d’auteur et poser un cadre clair dès le départ est la meilleure des solutions.
Si vous souhaitez utiliser des photos existantes pour les enrichir avec de l’IA, contactez-moi. Nous trouverons une solution contractuelle simple, efficace et sécurisée.
NB : Cet article s’appuie sur mon expérience de photographe professionnel et sur les sources juridiques disponibles à ce jour. Il ne constitue pas un avis juridique. Pour toute situation complexe ou cas particulier, je recommande de consulter un avocat spécialisé en propriété intellectuelle.
Qui suis-je ?
Je suis photographe pour les entreprises, spécialisé dans la photographie commerciale sur Mulhouse (68) dans le Haut-Rhin (Alsace). Mon coeur de métier est la photo pour l’entreprise (reportage, studio, publicité, évènementiel, portraits Corporate). En parallèle, je suis vidéaste et touche-à-tout du digital.